vendredi 14 septembre 2012

Equitombe Extrait

Roman écrit à l'âge de 17 ans, en cours de réécriture : 

Le Soleil nimbait l’horizon d’un éclat hivernal, tentant avec peine, de réchauffer les hauts pics enneigés. Les gouttes de rosée étincelaient en basse altitude, telle une myriade d’étoiles au firmament. Répondant à l’appel d’une aube nouvelle, une colombe jaillit d’un nuage dans un déferlement immaculé, puis se laissa porter par un courant d’air ascendant, les ailes tendues.
   Soudain, un son de cloche résonna entre les montagnes. Au loin, une pauvre biche fut emportée par une avalanche. C’est là, sur un promontoire de rocaille, au fond de la vallée, qu’une communauté de moines avait élu domicile. Au sommet du monastère, une voix grave et exaspérée claqua bruyamment dans l’air du matin.
« — Pauvre andouille ! Ce n’est pas comme ça que l’on fait sonner les matines ! Tu as du rendre sourd la moitié des frères présents en dessous !
   — Désolé frère Irin, je voulais simplement me rendre utile, s’excusa un garçon en lâchant précipitamment la corde.
Un nouveau « Gong ! » explosif fit trembler l’étage entier, ainsi que la barbe de frère Irin qui se boucha les oreilles en grimaçant.
   — Deran, ne retouche surtout pas à cette corde ! hurla frère Irin, en couvrant le tumulte de sa voix.
Le moine à la robe sobre fronça les sourcils, les mains sur les hanches. Avec ses cheveux gris foncés et son regard perçant, frère Irin avait le chique pour donner l’envie de fuir à n’importe qui. Tout du moins, aux premiers abords. Une fois qu’on le connaissait, on se rendait compte qu’il était très conciliant. Deran, pour se donner bonne mesure, baissa la tête d’un air penaud, ses cheveux brun tombant nonchalamment devant son visage.
 « Voilà seize ans que nous t’avons recueilli. Tu n’étais qu’un petit bébé d’un an, à l’époque. Ta mère souffrait ; comme tu le sais, d’une maladie terrible quand elle est arrivée sur le palier de ce monastère, en te serrant dans ses bras. Elle est morte quelques mois plus tard… »
   Deran gardait ostensiblement la tête baissée. L’histoire de son arrivée au monastère, il la connaissait par cœur et n’avait jamais réussi à verser une larme pour ses parents qu’il n’avait pas connu. Pourtant, il lui arrivait fréquemment de se réveiller au milieu de la nuit, en pleurant, après avoir entendu une voix douce lui chanter une berceuse. Deran s’était toujours demandé si c’était la voix de sa mère ou tout simplement son imagination.
« — Je sais que tu n’en gardes aucun souvenir, continua frère Irin sur un ton plus doux. Mais tu auras bientôt dix sept ans ! Et tu ne seras pas heureux, en restant cloîtré dans ce monastère toute ta vie. Aussi, Deran, il faut que tu te prennes en main, que tu prennes tes responsabilités.
   — Je veux bien te croire frère Irin, mais je me sens bien ici et je ne souhaite pas partir pour le moment, déclara Deran, en redressant la tête.
   —Va donc dire cela à notre abbé ! s’exclama frère Irin, sur un ton de défi. Quand je lui ai dit que tu voulais encore rester un an, il a manqué de peu de s’étrangler. A mon avis, si tu lui demandes un autre sursis, il va avoir une crise cardiaque !
   — Je vous gène tous tant que cela ? s’étonna Deran, en ouvrant ses grands yeux innocents.
   — Nous sommes des moines, Deran, objecta frère Irin, sur un ton grave. Nous prions à longueur de journée pour laver les péchés du monde et nous l’avons choisi. Dans ton cas, ce ne serait pas un choix, mais un naturel, venant du fait que tu n’as pas vu le monde.
   — Je comprends, affirma Deran en soupirant. Mais… C’est simplement que le monde extérieur me fait peur. J’ai lu quelques livres sur l’île de Panâm qui ne me donne pas envie d’aller y séjourner.
   — Il y a toujours un certain équilibre entre le bien et le mal, Deran. Si des faits s’avèrent terrifiants, tu peux être sur que d’autres sont merveilleux… Comme l’amour, par exemple.
   — Je croyais que les moines faisaient vœux de chasteté avant d’endosser leur rôle, observa Deran, en ouvrant la bouche d’un air effaré.
   — Il y a de nombreuses façons d’aimer, Deran, assura frère Irin, en ouvrant la porte du clochet. Ne l’oublie jamais… »
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J'avais tout rédigé sur des cahiers, à réécrire, par conséquent : ce passage se situe au début d'Equitombe, Ier tome d'une trilogie se situant sur Panam, une île située à l’extrême Nord Est d'Andalénia. On suit l'histoire de Deran, jeune orphelin éduqué par des moines au fond fin des monts. Tout comme la Danse du Lys, Equitombe est un éloge à la fantasy.

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"Mon histoire ne s'accorde ni à leur monde, ni à leur mode de vie; leurs vies et la mienne ne suivent pas le même chemin. J'ai un bien autre monde en tête, qui porte dans le même coeur son amère douceur et sa peine aimée, le ravissement de son coeur et la douleur de l'attente, la joie de la vie et la tristesse de la mort, la joie de la mort et la tristesse de la vie. En ce monde, laissez moi avoir mon monde, et être damné avec lui ou sauvé avec lui."

Gottfried de Strasbourg

"Quand Ils parlent d'espérances trompées,
De Tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater les coeurs;
leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air des cercles éblouissant;
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang."


Extrait de La Muse, d'Alfred Musset, tiré du recueil les Nuits de Mai