vendredi 15 avril 2011

Fleau aqueux

Un soleil trouble s’effritait sur l’horizon brumeux. Il n’en revenait pas d’être toujours là, bien vivant, malgré la catastrophe. Echapper ainsi à ce cauchemar destructeur l’avait privé de ses repères. La vague l’avait touché au plus fort de la tempête, ébranlant ses membres, envahissant ses os, et sa peau livide portait encore les stigmates de ce fléau démesuré. Des craquelures la zébraient.  De mémoire, il n’avait jamais connu de houle aussi puissante, ou encore, tout juste bonne à lui lécher les pieds. Depuis, des champignons boutonneux parsemaient ses jambes pesantes et obscures.
Ses yeux vitreux, telles des grottes abattues, détaillaient le paysage dévasté. Les flots déchainés avaient tout rasé, jusqu’à la colline en contrebas, qui scindée telle une pustule, déversait des torrents de boues noirâtres dans la vallée, où quelques ilots de toitures flottaient au milieu des cadavres boursouflés. Cette infection corromprait la terre pendant des années. La flore serait infectée, et lui-même, à travers elle.
Il ne pouvait aller nulle part, coincé, figé et incapable de courir.
Brusquement, il sentit la peau morte et dure de ses membres inférieurs se détacher et s’abattre au milieu des mares. Ecoeuré, il rejeta une cascade jaunâtre de sa bouche aux dents effritées. Bientôt, son sort serait fait. Seul ses cheveux blancs avaient échappé à la maladie ; n’ayant rien perdu de leur lustre glacial, ils scintillaient sous les rayons ployant du Soleil.
L’astre brûlant serait bientôt dans son dos. Comme il aurait voulu avoir la force de se retourner pour ne plus faire face à la mer. Il la tenait pour responsable de la catastrophe, et sa vue le rendait triste. Son corps n’avait aucune chance face à l’eau salée. Et cela s’en ressentait sur son physique décharné, bancal et blafard.
Bientôt, le Mont brisé et blafard qu’il était, s'effondrerait.

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"Mon histoire ne s'accorde ni à leur monde, ni à leur mode de vie; leurs vies et la mienne ne suivent pas le même chemin. J'ai un bien autre monde en tête, qui porte dans le même coeur son amère douceur et sa peine aimée, le ravissement de son coeur et la douleur de l'attente, la joie de la vie et la tristesse de la mort, la joie de la mort et la tristesse de la vie. En ce monde, laissez moi avoir mon monde, et être damné avec lui ou sauvé avec lui."

Gottfried de Strasbourg

"Quand Ils parlent d'espérances trompées,
De Tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater les coeurs;
leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air des cercles éblouissant;
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang."


Extrait de La Muse, d'Alfred Musset, tiré du recueil les Nuits de Mai