dimanche 23 septembre 2012

Ventelarme (extrait)


 Un nouvel extrait d'un roman en cours d'écriture :

 La température chutait peu à peu. L’éclat de la Lune ne suffisait pas à fournir un brin de chaleur à l’inconnu emmitouflé dans un lourd manteau couvert de crasse. Malgré tout, une lampe à gaz brillait faiblement non loin de sa main froide, fournissant un semblant de chaleur à son corps sur le point de mourir. Cet individu sans nom ne sentait déjà plus son bras gauche, et sombrait peu à peu dans un océan de noirceur et de bien être. 
   Qu’est-ce que la mort quand on n’a pas vécu ? Sans doute, pensa l’inconnu, quelques regrets et du déjà vu. Sous ce pont, bercé par les flots d’un fleuve indifférent, dans un monde où personne ne s’observe sans se juger ou se mépriser, se jalouser ou bien même s’aimer, un illustre inconnu à l’agonie allongé dans la vermine ne ferait pas trop d’émules. Peut-être en parlerait-on dans la presse pour montrer du doigt un fait tout à fait banal durant l’hiver depuis des années; et peut-être même un personnage haut placé dirait-il toute sa sympathie pour tous ces êtres éjectés de la société, qui mourraient pendant que lui-même chantait ses discours pour la énième fois, sans se douter une seule seconde que c’était là une entreprise grotesque.
   Le dialogue n’existait pas. Néanmoins, l’inconnu, dans un léger sourire, se souvint d’une jeune bénévole revêtue d’un long manteau noir, de ses paroles bienfaisantes qui lui faisaient se souvenir de son humanité. Oui, lui-même était un homme, certes esseulé et sans le sou, abandonné; mais il restait tout de même un être humain, pas un animal mourrant de froid sous le couvert d’un arbre nu.
   Il emporterait ce souvenir chaleureux avec lui, comme il emporterait sa haine et ses remords. Comme il maudirait cent fois cette terre où la vie représentait si peu de chose qu’on hésitait à dépenser assez pour la protéger durant l’hiver.
   Un rayon de Lune resplendit sur les eaux, et une silhouette obscure et très large s’y matérialisa sous la forme d’un ange aux ailes noires. L’inconnu crut qu’il avait là une hallucination, comme il en avait eu tant d’autres durant certains hivers passés en solitaire sous ce même pont. 
   La créature parut effleurer les eaux en se dirigeant vers lui, et elle vola jusqu’au rebord pavé de la berge, tout en demeurant dans l’ombre. En d’autres circonstances, ce fait aurait été impossible, surtout avec l’éclat de la Lune et de certains réverbères en surplomb, mais un homme se mourrait et chose surprenante, cet inconnu ailé lui tendait la main.
   Très peu de personne, voir aucune, ne lui avait fait un geste aussi direct et innocent durant toute sa triste vie. Il souleva son bras droit, et tremblant, mais ce dernier retomba avant d’atteindre les doigts frêles tendus vers lui.
   L’inconnu était mort. La silhouette angélique s’avança de quelques pas et toucha le front glacial du corps. Alors il dit ces mots, dans une langue inconnue, mais néanmoins compréhensible pour tous les êtres humains.
   « Ton vœu sera exaucé; je maudirai cent fois ce monde, avec toi. » 
L’inconnu aurait dû se douter qu’il devrait même payer en échange de quelques pensées agonisantes, au milieu des brumes navrantes d’un autre monde. 
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Cet extrait est encore au stade de Ier jet. En un seul tome ; Ventelarme mélange les genres. Il se déroule à la fois dans la réalité et sur un autre monde en flammes... (rédigé à hauteur de 25 500 mots) 

J'ai eu un blocage entre temps, et j'ai peiné à remonter la ligne. : )

A suivre, un jour ; seul le premier tome de la Danse du Lys et la Ière partie du monde de lunambre ont été publiés pour le moment. Je vous invite à vous les procurer. : )

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"Mon histoire ne s'accorde ni à leur monde, ni à leur mode de vie; leurs vies et la mienne ne suivent pas le même chemin. J'ai un bien autre monde en tête, qui porte dans le même coeur son amère douceur et sa peine aimée, le ravissement de son coeur et la douleur de l'attente, la joie de la vie et la tristesse de la mort, la joie de la mort et la tristesse de la vie. En ce monde, laissez moi avoir mon monde, et être damné avec lui ou sauvé avec lui."

Gottfried de Strasbourg

"Quand Ils parlent d'espérances trompées,
De Tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater les coeurs;
leurs déclamations sont comme des épées :
Elles tracent dans l'air des cercles éblouissant;
Mais il y pend toujours quelques gouttes de sang."


Extrait de La Muse, d'Alfred Musset, tiré du recueil les Nuits de Mai